Hier soir chez Sotheby’s à Londres, L’Empire des Lumières, l’une des toiles les plus énigmatiques de René Magritte, a été adjugé pour la somme record de £59,4M, soit plus de 71,5 millions d’euros, devenant ainsi le tableau le plus cher de l’artiste.
Le marché de l’art, lui, ne semble pas connaître la crise. Après les très beaux résultats de la vente d’art moderne et contemporain de Christie’s mardi 1er mars, c’est au tour de Sotheby’s de battre de nouveaux records. Très attendue lors car tout simplement iconique, la toile L’Empire des Lumières (1961), équivalent dans l’œuvre de René Magritte des Nymphéas de Claude Monet, était présentée hier soir à Londres avec une estimation supérieure à 60 millions d’euros. Adjugée £59,4M (soit plus de 71,5 millions d’euros) elle triple les précédents records de vente établis pour l’artiste et devient le tableau le plus cher de Magritte jamais vendu aux enchères.
Dans la lignée de Monet
Il n’aura fallu que quelques minutes d’enchères par téléphone pour que L’Empire des Lumières, véritable chef-d’œuvre du surréaliste belge, pulvérise son estimation et marque l’Histoire. Le précédent record de vente aux enchères pour une œuvre de Magritte était jusque-là détenu par Le Principe du plaisir, un portrait d’Edward James peint en 1937, adjugé 26,8 millions de dollars (environ 23 millions d’euros) en 2018 chez Sotheby’s à New York.
Créée en 1961 pour la baronne Anne-Marie Gillion Crowet, fille du mécène de Magritte, le collectionneur belge surréaliste Pierre Crowet, l’œuvre est restée dans la famille de ce dernier depuis. Elle fut cependant déposée et exposée au musée Magritte de Bruxelles de 2008 à 2020. Outre cet excellent pedigree, L’Empire des Lumières appartient à une série de 17 peintures, variations sur le même thème, entamée par l’artiste en 1948. D’autres exemplaires sont conservés au Guggenheim Museum et au MoMA à New York, dans la Collection Peggy Guggenheim à Venise, ainsi qu’aux Musées royaux des beaux-arts de Belgique. Cet ensemble de toiles constitue « la seule véritable tentative de Magritte de créer une série dans son œuvre » et inscrit donc l’artiste dans la lignée de Monet, Van Gogh ou Mondrian.
De Bruxelles à l’Exorciste
Représentant une maison de Bruxelles la nuit, éclairée par la lumière d’un lampadaire sous un curieux ciel de jour, la toile fascine par le paradoxe (notion chère à Magritte) qu’elle parvient à mettre en œuvre. Elle maintient en effet dans une même temporalité deux états du monde qui ne peuvent coexister et provoque ce sentiment d’inquiétude qui nous gagne au petit jour ou au crépuscule, entre chien et loup, lorsque le fantastique devient possible, que le basculement d’un monde à l’autre s’opère.
Éminemment poétique et énigmatique, L’Empire des Lumières (comme son nom le suggère déjà…) compte parmi les compositions les plus cinématographiques de Magritte. Dans son communiqué de présentation, Sotheby’s rappelle d’ailleurs qu’elle avait directement inspiré William Friedkin pour construire l’une des scènes les plus célèbres de l’Exorciste, et de l’histoire du cinéma : l’arrivée du père Merrin devant la maison des McNeil qui annonce la lutte à venir du Bien et du Mal.
(source; Connaissance des Arts 03.03.22)
Comments