Transfiguration
La dépouille de Raphaël abritée par l’Académie de San Luca à Rome fut exhumée en 1833. Il était mort le 6 avril 1520 – un vendredi saint – à l’âge de 37 ans. Les observateurs de l’époque y virent un signe du ciel et la cour du Pape de l’époque elle-même ne put s’empêcher de faire le rapprochement symbolique – mais Ô combien révélateur – entre la crucifixion du Christ et la mort de celui que tout le monde qualifiait de «Prince des peintres». Les Historiens décrivirent en effet un Vatican dont les murs eux-mêmes vacillèrent suite à cette disparition, signe d’un deuil décrété jusque dans les cieux. L’analogie Christique fut à l’évidence renforcée par une image funéraire d’un symbolisme foudroyant composée de la dépouille du maître exposée au public placée en desous sa dernière œuvre, «Transfiguration». On y voit un Christ resplendissant émerger des abîmes et transcendant le Hommes par une explosion radieuse de lumière : ensemble qui dut nécessairement et profondément marquer les visiteurs et les contemporains de Raphaël dont certains disaient même de son vivant qu’il ressemblait à Jésus.
Raphaël et son culte
Selon ses volontés, les restes de Raphaël furent par la suite enterrés au Panthéon, lieu extraordinairement chargé de résonance dans cette Rome millénaire puis qu’il fut un temple païen dédié à l’adoration des divinités antiques avant d’être converti en Eglise. L’Europe - à travers de multiples académies, au gré de milliers d’écrits lui étant dédiés et de grands artistes puisant directement dans son inspiration- ayant voué à Raphaël un véritable culte depuis sa mort, il n’est pas étonnant que son exhumation en 1833 ait provoqué un tel engouement. Cérémonie solennelle digne de celles accordées aux saints, tout Rome en était agitée tant et si bien que des tickets furent vendus afin d’avoir le droit de rendre hommage à son squelette, exactement comme l’on ferait maintenant (pré-Corona) pour une illustre exposition ou pour une grande compétition sportive. Il faut dire que Raphaël fut adulé de son vivant, décrit par son biographe du milieu du XVI ème siècle Giorgio Vasari comme agréable, bien éduqué, doux, voire angélique. Sujet parfois à la célèbre mélancolie des artistes, dépeinte ave beaucoup de complaisance par ce portait de Marcantonio Raimondi. Bref, Raphaël usait et abusait de son patronyme Santi - anagramme de Saint - qui lui donnait une stature quasi-divine.
Un Raphaël ambitieux
Incontestablement poli, très social, sincèrement proche de ses amis et de ses associés, Raphaël n’en était pas moins ambitieux, très compétitif voire parfois sans merci, ouvert aux conspirations, et parfois sans scrupule, orienté en somme vers les sommets qu’il mettait tout son génie à atteindre. Autrement dit, Raphaël fut une personnalité bien plus complexe que celle que l’hagiographie nous décrit et qui avait édifié une immense fortune, notamment immobilière, à laquelle il consacrait son temps libre et qu’il s’employait avec méthode à faire prospérer. Il fit ainsi progressivement l’acquisition de palais romains, de vignobles près du Colisée, d’une parcelle sur la Via Giulia où il planifiait de bâtir lui-même son propre palais dessiné et conçu par ses soins. De son vivant, Raphaël bénéficia donc d’un statut social élevé et agrémenté – en outre – de salaires et de cachets découlant de ses nombreuses nominations et postes officiels. Son affabilité légendaire était donc doublée d’une solide ambition.
Peintre des Papes
Engagé par le Pape Jules II dès 1508 pour peindre les fameuses Chambres (Stanza della Segnatura), ses travaux furent tellement appréciés que le Vatican licencia sur le champ les autres peintres qui participaient à la restauration des appartements du Saint-Pontife. Ayant visité clandestinement et sans autorisation les travaux en cours de la Chapelle Sixtine – au grand dam de Michel Ange qui en conçu une colère folle – il créa son «Isaïe» afin de concurrencer directement les prophètes peints par Michel Ange. Jusqu’à sa mort, Raphaël fut le peintre officiel des Papes qui le confortèrent même davantage dans sa stature puisque le successeur de Jules – Léon X – le nomma grand responsable de l’architecture et des antiquités romaines au décès de Bramante. Raphaël devenait ainsi le maître absolu de tout ce qui, à Rome, avait une quelconque importance ou portée artistique et il put dès lors consolider son hégémonie sur la ville éternelle.
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